Culture

La mémoire de L’Enfer

En 1964, les acteurs les plus bankables de l’époque débarquaient au viaduc de Garabit, dans le Cantal, pour le tournage de L’Enfer réalisé par Henri-Georges Clouzot. Retour sur l’histoire d’un film maudit resté inachevé, à travers les souvenirs émus de l’ancien propriétaire du Garabit Hôtel, Louis Cellier.

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Nicolas Anglade

Dans les années 1960, le viaduc de Garabit était une véritable star de cinéma, s’attirant les faveurs de Gérard Oury pour son long-métrage devenu culte La Grande Vadrouille, de Costa-Gavras pour son film Un homme de trop, et enfin d’Henri-Georges Clouzot, qui a fait de l’ouvrage d’art et ses environs le décor quasi-exclusif de son film L’Enfer, avec en tête d’affiche les vedettes du moment Romy Schneider, Serge Reggiani ou encore Dany Carrel. Dans le scénario élaboré par le réalisateur, le Garabit Hôtel, réelle auberge implantée au bord du lac de Grandval en 1945, incarnait l’établissement dont le couple prenait la gérance.

Louis Cellier, 87 ans, était propriétaire de l’hôtel dans lequel a été tourné l’enfer en 1964.

Le lieu fut en 1964 le théâtre d’une succession de drames, dont le jeune propriétaire de l’époque, Louis Cellier, a été le témoin privilégié. Aujourd’hui âgé de 87 ans, il ne gère plus l’établissement mais réside toujours dans ce havre de paix, conservant les souvenirs de cette période au creux de sa mémoire et de précieux albums photos. À l’intérieur de ces pages, des clichés pris par le photographe du tournage se dévoilent par dizaines.

Un film qui porte bien son nom

« Les techniciens ont débarqué ici en mai, et les acteurs les ont rejoints en juillet », se remémore le vieil homme. Pendant toute la durée du tournage, son hôtel n’accueillait plus de clients, les équipes réquisitionnant la totalité des 40 chambres. « Romy Schneider dormait dans la n°23 », révèle-t-il malicieusement. Quant à Dany Carrel, elle a réservé une drôle de surprise à Louis le jour de son arrivée. « Elle me demande de monter sa valise dans sa chambre, ce que je fais volontiers. Là, elle va directement à la fenêtre avec vue sur le lac et ouvre son corsage. Elle m’a montré toute sa poitrine, alors que j’étais jeune marié ! », s’offusque-t-il encore en riant. « Le midi, il y avait au moins 150 personnes qui déjeunaient dans la cour. Elles sont venues avec un cuisinier qui voulait travailler seul, ce qui m’a finalement arrangé car j’étais payé comme si je faisais la cuisine alors que je ne la faisais pas ! » Le soir, les équipes repassaient leur journée dans un cinéma à Saint-Flour. Il fallait tourner vite, le niveau d’eau du lac de Grandval baissant rapidement en raison de l’activité du barrage EDF. « Il y avait trois équipes », se rappelle Louis. « Lorsqu’il terminait une séquence sur un site, Clouzot se déplaçait aussitôt sur un autre. Il utilisait un hors-bord pour aller plus vite. C’était très intense. Il était anxieux, dormait peu, se faisait servir du café à toute heure du jour et de la nuit. »

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