9h30, gare de Clermont-Ferrand. Nous embarquons dans un train court, direction Nîmes. Les vieux autorails X 4200 rouge et blanc crème ont laissé place à des TER bariolés aux couleurs des deux régions traversées par la ligne : vert et bleu pour Auvergne-Rhône-Alpes, rouge et or pour Occitanie. Vu de l’extérieur, difficile d’imaginer que ce train va emprunter la célèbre ligne des Cévennes, que la plupart des passionnés de chemin de fer considèrent comme la plus belle de tout l’Hexagone. C’est le sentiment partagé par Pascal Desmichel, notre guide du jour.

Pour ce fils de cheminot qui a grandi sur les quais d’une petite gare limousine et consacré une grande partie de sa vie d’adulte à étudier les lignes du Massif central, la variété des paysages traversés par la Clermont-Nîmes, ses ouvrages d’art monumentaux et sa longueur en font bel et bien la plus spectaculaire en France. « C’est une aventure à elle seule ! », s’exclame-t-il en guise d’invitation.
Le défi des bâtisseurs
Entre Clermont-Ferrand et Brioude, où les paysages urbains et les plaines de Limagne n’incitent pas à coller son visage à la fenêtre, Pascal nous plante le décor. L’idée d’édifier une ligne qui traverserait le Massif central pour relier Paris à la Méditérrannée et désenclaver le bassin minier d’Alès a germé dès les années 1850 dans l’esprit des dirigeants du Grand Central. « Plutôt que de chercher la voie la plus praticable, ils ont opté pour un tracé ‘’au plus court’’ suivant le lit de l’Allier », retrace le chercheur. C’est cette difficulté qui sera à l’origine de la renommée et de la beauté de la ligne. La construction débute avec le tronçon Clermont-Ferrand – Issoire, suivi de Brassac-les-Mines – Sainte-Florine et Sainte-Florine – Arvant. C’est à ce stade que se situe le chantier lorsque la compagnie ferroviaire fait faillite, en 1857.

La concession est alors attribuée au Paris-Lyon-Méditerranée, qui l’exploite à partir de 1862. Les travaux, titanesques, mobilisent 12 000 ouvriers et durent huit ans. Il faudra déployer tout le génie civil de l’époque pour frayer aux rails un chemin à travers ce relief hostile. « Contrairement aux Alpes et aux Pyrénées, ici, il n’y a pas de grandes vallées », explique Pascal. « Je dis souvent que le Massif central est un haut plateau entaillé de balafres. Pour les franchir, on cherchait les points de passage les plus étroits et on y construisait des viaducs. Et pour passer dans les roches qui jalonnent les gorges, on creusait des tunnels ! » Résultat, on compte sur les 304 km de rails pas moins de 106 tunnels et 47 ponts ou viaducs. « Grâce à cette ligne, il y a davantage d’ouvrages ferroviaires dans le Massif central que dans tout le reste de la France ! », s’extasie le ferroviphile.
On compte sur les 304 km de rails pas moins de 106 tunnels et 47 ponts ou viaducs.
Le tronçon qui illustre le mieux ces prouesses techniques s’étend entre Langeac et Langogne, à cheval entre Haute-Loire et Lozère, là où le tracé suit le plus fidèlement les méandres de la fameuse rivière à saumons. Malheureusement, une interruption de service causée par un éboulement nous contraint à quitter le train dès l’entrée dans les gorges. « La plateforme ferroviaire est établie sur une géologie instable, il y a des éboulements très réguliers », rappelle Pascal.
« C’est une ligne qui est extrêmement soumise aux intempéries : la neige en hiver, les crues au printemps… » Les voyageurs doivent composer avec cette instabilité. Pour nous, rien de grave : le tracé du train mythique et les richesses paysagères qu’il traverse s’admirent aussi bien depuis la vitre du train qu’à pied, à vélo ou en voiture, moyen de locomotion que nous choisissons pour poursuivre notre périple.