La petite clochette retentit et annonce l’arrivée des clients. À l’intérieur, tout est calme. J’ai l’impression d’avoir dix ans et de rentrer dans une boutique de bonbons avec quelques sous en poche donnés par ma grand-mère. Le lieu semble avoir été suspendu dans le temps. De beaux meubles en bois, un sol carrelé d’un damier rouge et blanc, un ancien laminoir et, sur les étagères, les fameux biscuits de Trizac. Corinne Raynal, adorable patronne des lieux, et son associée Stéphanie Hautier, m’accueillent à la sortie des fourneaux, me laissant deviner derrière la porte l’endroit où tout se passe. Comme dans l’usine à chocolat de Charlie, les petites mains s’affairent à fabriquer ces croquants et carrés d’Auvergne largement réputés jusqu’à la capitale.
Rapidement, un parfum enivrant déferle à l’ouverture du four.
À en croire les habitants, toutes les courses au village finissent forcément avec une boîte de biscuits sous le bras. En y regardant de plus près, je crois même avoir toujours vu quelques-uns de ces biscuits chez mes voisins, comme s’ils faisaient partie intégrante du garde-manger. Et je ne fais pas exception à la règle. En ce mois d’hiver, quand tout le village est plongé dans une brume léthargique, je rencontre Louis, 29 ans, fils de M. et Mme. Raynal, revenu dans sa région d’origine après ses études pour mettre la main à la pâte.

C’est donc désormais à quatre, Louis, Corinne, Stéphanie et un jeune salarié, qu’ils fabriquent tous les matins, du chant du coq à la pause déjeuner, croquants et carrés d’Auvergne. Comme une danse millimétrée apprise par cœur, la confection des biscuits artisanaux s’opère chaque jour, de la préparation de la pâte jusqu’à l’empaquetage dans les boîtes au charme nostalgique.
Un tour de main bien beurré
Il y a d’abord la pâte, façonnée avec patience par Louis, chaque veille, et laissée au frigo toute la nuit. Des œufs par dizaines et de la farine par kilos, pétris par l’énorme robot pâtissier, sentinelle des lieux. Le lendemain matin, quand le village commence à se réveiller, les rideaux de la cuisine s’ouvrent et l’équipe se met au travail. Depuis quelques années déjà, l’imposante rotative à biscuits est devenue un personnage à part entière de l’équipe. La pâte crue lui est donnée à manger comme un animal insatiable pour ressortir parfaitement aplatie et moulée en formes mémorables rappelant les jeux de cartes à l’ancienne.